mercredi 25 février 2009

VICTOR - Henri-Pierre Roché - Extract 1977

PIERRE est seul dans sa chambre du sous-sol, carrée, très bien chauffée. C'est plutôt une cave qui lui sert de chambre. Près du plafond, une fenêtre en largeur permet de voir les jambes des passants. De vieux meubles impossibles, mais un bon grand lit de fer à deux.

Des pas crissent dans la neige. On frappe sec. Il est minuit. Entrent en coup de vent Victor, François et une girl brune et maline, qu'ils tiennent solidement chacun par un bras. Ses grands yeux noirs sont pleins de colère.

Victor - Nous te présentons Patricia, une amie. Au Café Brevoort elle a fait un scandale idiot. Et nous avions à causer, François et moi.
François - Nous lui avons donné à choisir entre deux punitions. Un peu d'huile de ricin (on en vend au café) ou toi. Nous t'avons dépeint. Elle t'a préféré.
Pierre était d'abord ennuyé de l'irruption. Il allait dormir et se levait tôt. Lui et Patricia se considéraient.
Victor - On ne te l'amène pas à la légère. Il y a des raisons.
Patricia - Je vous connais tous deux. Vous ne faites jamais rien à la légère, malgré vos airs de Pégase. Vous êtes comme deux papes. J'aurais dû vous arroser avec le siphon, au café. Soit, allez vous-en. Laissez-moi.
Pierre - OK. Je garde Patricia.
Les deux sortirent en vitesse sans dire au revoir et Pierre entendit le son du moteur de course de François. Patricia se promenait dans la pièce.
Patricia - Cette chambre m'amuse. Ça manque de sièges ici. Foutons-nous sur votre lit comme divan, c'est-à-dire vous dedans et moi dessus. C'est sans danger puisque nous l'aimons tous les deux. Et parlons de lui.
Elle sauta sur son lit. Ils s'installèrent comme elle avait dit, à distance.

Pierre - Aimez-vous Victor ?

Patricia - Oui.

Pierre - D'amitié ou d'amour ?

Patricia - Des deux. D'amour surtout.

Pierre - D'amour chaste ?

Patricia - Hélas ! Moi d'amour en plein et sans espoir. Je ne sais quel nom donner à ça. Tout le monde l'aime. Il est à tous et à personne. Il a raison sans doute. J'ai tort de le vouloir pour moi. Mais je ne veux que lui. Victor pourrait choisir parmi des héritières. Pas question. Pourrait avoir un gros contrat pour ses tableaux. Pas question. Il les donne presque tous à ses amis. Il donne aussi des leçons de français, fameuses et drôles, à deux dollars l'heure. Il s'amuse tout le temps. Son sourire est aimable, mais c'est un dictateur. il fait que ce qu'il veut, au moment où il veut. Où qu'il arrive, il devient le centre, il est le chef. il a une fantaisie à jet continu. Il a sûrement des aventures, avec des femmes faites, pas avec des jeunes filles. Il est discret, on ne sait rien.

* * *
VERS cinq heures du matin ils réentendirent le moteur de François. On frappa. Patricia sauta, ouvrit le verrou, cria : « Entrez» , et revint sur le lit. Victor et François, sérieux, apparurent. Ils sourirent en voyant comment Patricia et Pierre étaient installés.

- J'ai deux choses à vous demander, dit Victor. Nous allons fonder une revue. Nous choisissons dix amis, dont vous deux, pour écrire ou dessiner ce que vous voulez. Et nous publions. Chacun aura sa tâche. Il nous faut quarante dollars pour le papier du premier numéro. Nous les ferons avec des annonces commerciales. Voulez-vous, Patricia et Pierre, vous charger de les recueillir ? Oui ? Bien. Voici une liste d'adresses. Voulez-vous aussi enregistrer notre revue ?
- Oui, dit Patricia.
- Oui, dit Pierre.
Le lendemain, Patricia et Pierre allèrent gaiement au Bureau d'Enregistrement. On repeignait les deux étages, et un peintre leur indiqua en riant la porte voulue.
Ils demandèrent un bulletin. On leur dit d'en faire deux. Ils y inscrivirent, sans trop les lire, leurs noms et adresses et le nom de la revue, signèrent et les tendirent à l'employé. Celui-ci lut et dit : «Pourquoi avez-vous inscrit tous les deux en tête les mots :
"L'Aveugle" ? »

- Parce que c'est le nom de la Revue.

- Quelle revue ?

- Celle que nous venons déclarer.

- Mais ce sont des bulletins de mariage que vous avez là !

- Zut ! dit Patricia en suçant son stylo, réfléchissons d'abord.

Elle regarda Pierre à la Napoléon et le tira à deux pas en arrière : « Je t'épouserais à la rigueur, mais j'aime Victor, bien que sans aucune chance, et toi, ta Parisienne qui t'attend. Tu ne m'as dit que quelques mots sur elle, mais elle m'est chère. »

- Monsieur le secrétaire, dit Patricia, où faut-il s'adresser pour déclarer la Revue ?

- Porte 12, l'étage en-dessous.

Ils y allèrent, se déclarèrent. Le peintre farceur agita son pinceau.

* * *
QUELQUES JOURS plus tard, Victor emmena Pierre dîner chez Alice et Gontran. Il y avait là, comme habitués, Patricia, Gertrude, journaliste juive et ronde, Sabine, auteur de pièces d'avant-garde, et Jérôme, critique. Huit en tout. Alice fit avec grand tact des présentations nuancées.
D'autres amis arrivèrent après le dîner. Des parties d'échecs commencèrent dans le salon-atelier. Victor jouait contre Gontran, leur partie était regardée.
Alice s'installa au milieu du grand sofa devant le feu de bois. Patricia mena Pierre à sa droite et l'assit là, elle-même s'assit à gauche d'Alice. Elles étaient pleines de loisir. Pierre s'étonnait de la chance, due à Victor, d'être, lui frais débarqué à New York, admis dans cette ambiance.

Sabine s'échappa de sa conversation avec Jérôme et vint demander à Alice de chanter. Alice la suivit au grand piano. Sabine l'accompagna et Alice chanta.

Pierre aimait rarement la musique. Il fut saisi pourtant par la voix et par l'aspect d'Alice chantant. Elle avait l'air d'un flamant rose. Patricia se boula près de lui pour écouter.

Elle embrassa Alice quand elle revint. Pierre le fit avec les yeux. Les joueurs d'échecs n'avaient rien écouté.

* * *
UNE SOIRÉE chez Sigismond, jeune juif brillant, collectionneur, sans convictions. Il a invité Victor, Gontran et leurs amis. Il essaye de se rendre compte de tout. Le ton général est cérébral, blagueur, gai. On boit. Patricia est excitée, car Sigismond veut lui commander une décoration. François s'ennuie. il fait des plaisanteries indécentes qui blessent Alice. Elle connaît ces soirées sans espoir, où on attend un imprévu qui ne se produit pas, où la musique est une intruse.
Chez elle, elle compose un bouquet d'invités choisis. Ce soir c'est l'intérêt qui règne tout bas. C'est un lieu de rencontre entre l'argent et les talents. Ceux qui savent s'adapter gagnent le plus vite pour le moment. Un front tout à fait pur, Victor. Le marché n'existe pas pour lui. Il reste exprès un savetier, pas un financier.

Pierre a regardé : Alice est la seule transparente. Elle s'ennuie, ses yeux se tirent. Il va la trouver. Il lui dit: « Cela va durer encore deux heures. Vous souffrez ici. Moi aussi. »

Il lui dit: « Voulez-vous partir ? - Oui. - Tout de suite ? - Oui. - Puis-je vous accompagner ? - Oui. Dites à Gontran que je lui renverrai la voiture. »

Alice et Pierre roulent doucement une heure dans Central Park, et ils se découvrent, tout en parlant de Patricia et de ses efforts pour échapper à sa mère.

* * *
LE TÉLÉPHONE sonna de bonne heure. Pierre somnolent, sauta du lit et décrocha. Il ressentit un bien-être extraordinaire. Il était couché sur le dos, dans l'herbe, il avait sous les yeux un champ de courses d'herbe verte, ensoleillé, et il attendait les chevaux. Il entendait la voix d'Alice. Il battit des paupières et comprit. Il s'était évanoui, était tombé à la renverse, le dessous de l'appareil en drap vert, frappé par le soleil levant, tout près de son oeil, était le champ de courses. Il avait cru dormir sur l'herbe mais la voix d'Alice continuait calmement une phrase commencée et il tenait toujours l'écouteur. Elle l'invitait avec Patricia à un concert de Toscanini et le félicitait pour sa nouvelle chambre. La voix timbrée se mêlait au champ de courses et au bien-être parfait. Il accepta. Elle raccrocha.

Il essaya de remuer. Rien de cassé. Sa tête avait porté un peu sur un pied du lit.

Il avait trop travaillé. Il fallait prendre un peu de vacances avec Alice et Patricia.

* * *
PATRICIA ET PIERRE invitèrent Alice à dîner chez Child's, un restaurant en série. Ils mangèrent du veau aux petits pois, des crêpes, du yahourt. Alice fut contente de trouver qu'un restaurant populaire pouvait être aussi propre. Ils l'emmenèrent dans le quartier juif, dans un café où chantaient un homme fait comme une barrique et sa femme du même acabit. Sans technique, c'était très beau.

- Ah, dit Alice, comme je les envie ! Quel volume d'air, quelle cuirasse de muscles. Ils ont de naissance bien plus que tout ce que je poursuis. Ce sont des dauphins dans la mer. Moi une truite dans un ruisseau.

- Le bon Dieu a fait les dauphins et les truites, dit Patricia. Ils ne sont pas à comparer.

Le lendemain, en déplaçant avec Gontran un lourd tableau de Victor, Alice craqua un des muscles de ses reins, d'autant plus qu'elle ne lâcha point prise. Elle fut quinze jours au lit. Le médecin spécialiste et son professeur de chant lui dirent de ne plus chanter.
Elle apprit cette nouvelle avec des yeux secs à Patricia et à Pierre qui lui apportaient des fleurs.
Sitôt sur pied elle se mit au piano. Là aussi elle excellait.

* * *
ENFIN ils partirent de nouveau sur la grand-route, tous les trois à leurs places habituelles. Ils atteignirent à la fin du jour un parc boisé et une demeure ancienne, transformée en pension, sur un petit mont. Vers minuit une bande d'orages arriva. La foudre s'acharna.
Pierre tenait Patricia dans ses bras et ils sentaient ensemble grandir le malaise puis les décharges électriques. Pierre aimait cela, Patricia pas. Elle dit tout à coup : « Et Alice que l'orage rend malade ! Pierre, monte vite auprès d'elle ! ».

Pierre monta, frappa. Une voix réduite dit: « Entrez ».

Toutes lampes allumées, en robe de chambre princesse, légère, à volutes, Alice était assise sur un Dagobert, le dos tourné à la haute fenêtre. Les éclairs frangeaient les épais rideaux. Alice hagarde n'était plus le flamant rose, elle était le flamant bleu.
Pierre toucha ses mains froides, ses pieds froids. Il la prit dans ses bras, la posa sur le couvre-pieds ouatiné du grand lit, l'y roula comme une crêpe et la porta jusqu'à un large fauteuil bas dans lequel il se laissa choir sans la lâcher. La foudre craqua comme une dent qu'on arrache. Alice s'évanouit, Pierre la berça, lui souffla chaud sur la tempe. Des choses fourmillaient, convergeaient en lui. Allait-elle mourir ? Il sentait en lui comme un lent accouchement qui poussait. Enfin elle rouvrit les yeux.

- Alice, je vous aime, dit Pierre, illuminé.

- Moi aussi, je vous aime, dit-elle. je ne le savais pas.

- Moi non plus. C'est ainsi.

- Depuis quand ?

- Depuis tout de suite. Depuis le premier jour.

- Moi aussi. Cela compte, dans cet orage ?

- Oui, tout à fait.

- Soit... tout à fait.

Elle essaya de sourire.

- Alice, êtes-vous heureuse ?

- Non, fit-elle lentement et doucement de la tête.

- Je vous croyais heureuse. Cela change tout.

* * *
ALICE germait en lui, patiente comme la racine qui fait éclater les murs. Patricia et lui étaient sages ensemble parce qu'ils étaient conséquents, parce que la confiance d'Alice les engageait. C'était singulier et précieux. Patricia était un petit chien qu'il avait recueilli pour un temps, qui aimait un autre maître, mais qui logeait chez lui.

Non, Alice n'était pas heureuse avec Gontran. Maintenant, Pierre le voyait.

Elle lui téléphona : « Patricia n'est pas libre cet après-midi. Voulez-vous m'accompagner au concert ? ».

C'était la première fois qu'ils sortaient seuls ensemble. Des amis leur demandèrent des nouvelles de Patricia. À son tour elle les protégeait. Ils étaient réservés avec bonheur, leur liberté intérieure les grisait. Ils étaient sans hâte.
Pierre sentait Alice prudente et hardie. Ils s'étaient dit les trois mots qu'il fallait. La petite lampe profonde brûlait en elle et personne que lui ne la voyait.
Elle connaissait Pierre mieux que Pierre ne se connaissait, bien mieux que Patricia ne le connaissait. Lui ne la connaissait pas. Elle le fascinait. Elle avait dans l'oeil une vibration si rapide qu'elle pouvait tout lui dire sans que personne n'y vît rien. Elle lisait en lui, et il se laissait lire. Il n'avait rien à dire.

Elle était une hirondelle qui passe à toute vitesse, et qui revient en faisant cui. Patricia était une drôle de petite chouette qui comprenait ses limites.

* * *
ALICE lui donna rendez-vous dans une jolie chocolaterie. Il arriva soigneusement en avance. Alors il tira son journal pour y voir un article de lui. Alice arriva derrière le journal.

« C'est vilain, un journal, dit-elle doucement. On aime mieux apercevoir des yeux qui vous attendent. »

« Ah oui, dit-il, c'est bien vilain. C'est un geste professionnel et je m'en repens. »

Il la laissait conduire leur barque. Quoi qu'elle fît, elle le ferait pour eux mieux que lui.
Sur la route du retour, Alice lui dit : « Si nous nous épousons un jour, vous n'aurez point à gagner ma vie mais seulement la vôtre, avec vos écrits. »
Elle l'avait dit, et cela tombait à point, à un moment où il se sentait gêné par les possessions d'Alice.

« Si nous nous épousons un jour... », comme c'était venu naturellement sur ses lèvres. Elle n'était pas liée à jamais à Gontran. C'était une hypothèse en passant, mais qui valait la peine.

Pierre revit Alice étendue sur le lit quand il la roula comme une crêpe dans son couvre-pied. Il n'avait envie de la poser nulle part.

L'orage avait mis à leur place Patricia et Gontran.

* * *
L’AMOUR vous fait. Les amours, c'est aussi l'amour. On peut culbuter aisément. Mais il faut une part vierge, des tranches de solitude. L'amour sans frein se vide et devient noir. Trop d'amours abrutissent comme trop de whiskies.

Trouver la qualité. Détruire l'indulgence dans soi et dans l'autre. Et la légende. Eplucher la réalité. Il en reste toujours assez. Qu'est-ce qu'on doit être ? Purement soi, sans mélanges, sans colle, propre. Rester soi en aimant. Ne pas déménager dans l'autre. Un diamant peut coucher avec une émeraude. Ils se réveillent diamant et émeraude, pas confitures de diamant et d'émeraude.

Drawing - Diptych

lundi 23 février 2009

lundi 9 février 2009

Press - E. Troncy

En quittant la rue de Lappe où il était installé depuis de nombreuses années, Alain Gutharc voulait offrir aux artistes de sa galerie un nouvel espace dans le Marais, qui reprend toute sa vigueur après avoir été un temps éclipsé par le rue Louise Weiss dans le XIIIe arrondissement. A la fin de l’année, un artiste avec lequel il n’avait encore jamais travaillé s’est attiré toute l’attention qu’il méritait. La récente exposition parisienne aura marqué un tournant dans la pratique de Michael Roy (né en 1973), qui se décline en dessins, vidéos, peintures, sculptures ou encore collages, et fait feu de tout bois. Et traque, semble-t-il, un seul et même sentiment : celui du temps qui passe et qui nous lie au monde par la figure des idoles un temps vénérées ou le face-à-face avec des inconnus, le souvenir d’un lieu, les fragments d’images que la mémoire veut retenir. C’est précisément de cela que l’exposition parisienne a su rendre compte : l’arrêt du temps. Celui nécessaire à l’élaboration de grands dessins au crayon de papier, qui ne livrent pourtant qu’un slogan. Celui qui a passé depuis la vision d’un paysage que l’on restitue de mémoire, et celui d’un journal filmé de façon aléatoire au fil des ans. C’est, en effet, la caméra qui rend le mieux justice au travail de Michael Roy : Remember Last Summer est une vidéo hypnotisante soutenue par une bande-son à la fois légère et obsédante, qui fait le lien entre diverses séquences tournées au hasard de voyage extraordinaires ou de déambulations ordinaires. Et ramène sur le même plan toutes sortes d’images qui s’évanouissent et renaissent dans une lente et délicieuse succession où le tragique et le familier se répondent presque naturellement. Un art achevé du montage donne à l’ensemble les qualités d’une grande œuvre qui assume sa dimension poétique.

dimanche 8 février 2009

Untitled

GALERIA SENTIMENTAL, Tensta Konsthall, Stockholm - cur. E. Svennung

The large text on view on the wall is a summary of the contents of the Mexican Telenovelas TV guide, that the Michael Roy edited in the way of a selective cadavre exquis, or cut-up, as to form the synopsis - or a first part - of a new novel that the artist is currently writing and that will eventually be published as a limited edition. Dismissing the names of all characters, jumping from one scene, episode, or series to another, reducing the plots to the core of the epic - be it actions or mere threats... - the text reads as a hysterical almost paranoid trans rid of any suspense or drama (as the title firmly announces it...) In this generic and script - telenovelas stripped bare - there's no time or space for identifiaction, emotion or even manipulation.

On the table, loosely displayed xerox copies form the visual counterpart to this work in progress that the artist decided to exhibit here like an unfinished studio piece, revealing only hints or elements of a yet incomplete book projet, and leaving it to the viewer build up his/herown scenario.

samedi 7 février 2009

Jean Lorrain to Gustave Moreau

‘Et, comme un envoûté des gothiques magies,
En proie aux vains regrets des vaines nostalgies,
Je suis un triste et fol amant d’anciens portraits.’

The Night - Lise Veverka

Exploitant l’héritage du philosophe Gilles Deleuze dont les travaux visaient à conceptualiser le 7ème art, l’œuvre audiovisuelle de l’artiste Michael Roy s’inscrit néanmoins en rupture avec les codes du cinéma traditionnel. Cet artiste né à La Rochelle en 1973 utilise une multiplicité de media (dessins, peintures, affiches, objets, textes, wall painting, installations...), dont la vidéo ; il a glané ici et là au fil des années les images de son quotidien et du notre, les compile à la manière d’un journal, puis les monte sans logique apparente si ce n’est chronologique. Chaque scène possède sa propre autonomie ; l’univers personnel de l’artiste, souvent nocturne, est relayé par ses multiples prises de vues prises au hasard de ses déambulations en France ou ailleurs. Pour autant, on ne peut analyser ses films comme un journal intime puisque tous les éléments ou indices trop lisibles et proches de l’artiste sont coupés ; l’objectif sert de filtre entre la réalité de l’artiste et celle du spectateur. Les scènes sont fragmentées, sorties de leur contexte pour mieux sortir de l’intimité de l’artiste.

La particularité principale réside dans le fait que les films de l’artiste ne sont jamais écrits ou pensés avant d’être filmés ; les séquences sont visionnées, sélectionnées puis coupées au moment du montage. Sa manière de filmer ne se veut ni narrative, anecdotique ou descriptive. Film sans scénario l’artiste s’émancipe de la forme préconçue qui veut que le film donne à voir une histoire.

Assemblages de scènes hétéroclites, ses vidéos à première vue ne laissent place à aucune cohérence temporelle (un paysage enneigé montré le temps de quelques secondes laisse place subitement à la scène d’un homme torse nu marchant sous le soleil écrasant) ou spatiale (les lieux n’étant pas un critère de tournage (1), seulement les scènes qui s’y déroulent). Même lorsqu’un film comme « Forest Knoll Drive » (2) est tourné dans un endroit précis, Los Angeles, l’enchainement de scènes rétif à toute logique prédomine ; des scènes en couleurs ou en noir et blanc, intimes ou collectives, des portraits très serrés ou des paysages étendus cohabitent.

Définalisée, l’histoire, qui n’en est pas une, opère plutôt comme une boucle obsédante. La perte de repère est accentuée par une bande son passée au ralenti et à rebours. Le concept de temps comme forme immuable est renversé. L’environnement sonore dans lequel le spectateur est immergé fait écho à son imaginaire et l’incite au souvenir.

Pourtant les séquences s’enchaînent de manière fluide, naissent et disparaissent à la manière d’un songe. Vibrations de l’air, mises au point erratiques et images floutées, cadrage décentré, séquences en infrarouge ; la dimension onirique est prégnante. La logique finalement est celle d’un rêve, d’images souvenirs communes que l’on se remémore à partir d’un micro événement entraperçu ou imaginé. «L'image-souvenir» et «l'image-rêve», deux concepts essentiels dans "l'image-temps" de Gilles Deleuze (3) constituent la pierre angulaire du travail de l’artiste: "lorsqu'on n'arrive pas à se rappeler, le prolongement sensori-moteur reste suspendu...", le souvenir intervient alors avec ce qu’il emporte d’associatif mémoriel, de métaphores, de significations et de l’utilisation du flashback, largement utilisés dans le cinéma traditionnel, habitent les images de l’artiste, empreintes d’une poésie mélancolique.
On en ressort un peu déboussolé, comme dans un rêve éveillé. C’est donc bien à une expérience personnelle que nous convie Michael Roy ; il suggère que l’image est éminemment subjective. A chacun d’en donner sa lecture, d’imaginer ou de se l’approprier...


Notes

(1) Dans Remember last summer I, vidéo (29.30min) 2001-2004, courtesy Galerie Alain Gutharc et Remember last summer II, vidéo (28.55min) 2004-2007, courtesy Galerie Alain Gutharc.
(2) Forest Knoll Drive, vidéo (19.15min) 2007, courtesy Galerie Alain Gutharc.
(3) Gilles Deleuze, L’Image-temps, Les Editions de Minuit, Cinéma 2, 1985 et également Gilles Deleuze, L’Image-mouvement, Les Editions de Minuit, Cinéma 2, 1983 - L’image mouvement, faisant davantage référence au cinéma classique et l’image temps, au cinéma moderne.


http://www.edit-revue.com

Apocalypse on the horizon - Galerie Alain Gutharc 2007

M.D.L.H.A

Vous ne regarderez pas la caméra. Sauf lorsqu’on l’exigera de vous.

Vous oublierez.
Vous oublierez.

Que c’est vous, vous l’oublierez.
Je crois qu’il est possible d’y arriver.
Vous oublierez aussi que c’est la caméra. Mais surtout vous oublierez que c’est vous. Vous.

Oui, je crois qu’il est possible d’y arriver, par exemple à partir d’autres approches, de celle en autres de la mort, de votre mort perdue dans une mort régnante et sans nom.

Vous regarderez ce que vous voyez. Mais vous le regarderez absolument. Vous essaierez de regarder jusqu’à l’extinction de votre regard, jusqu’à son propre aveuglement et à travers celui-ci vous devrez essayer encore de regarder. Jusqu’à la fin.

Vous me demandez : Regarder quoi ?
Je dis, eh bien, je dis la mer, oui, ce mot, devant vous, ces murs devant la mer, ces disparitions successives, ce chien, ce littoral, cet oiseau sous le vent atlantique.

Ecoutez. Je crois aussi que si vous ne regardiez pas ce qui se présente à vous, cela se verrait à l’écran. Et que l’écran se viderait.

Ce que vous serez en train de voir là, la mer, les vitres, le mur, la mer derrière les vitres, les vitres dans les murs, vous ne l’aurez jamais vu, jamais regardé.

Vous penserez que ceci qui va se passer n’est pas une répétition, que ceci est inaugural comme l’est d’elle-même votre propre vie à chaque seconde de son déroulement. Que dans le déferlement milliardaire des hommes autour de vous, vous êtes le seul à tenir lieu de vous-même auprès de moi dans ce moment-là du film qui se fait.

Vous penserez que c’est moi qui vous ai choisi. Moi. Vous. Vous qui êtes à chaque instant le tout de vous-même auprès de moi, cela, quoi que vous fassiez, si loin ou si près que vous soyez de mon espérance.

Vous penserez à vous, mais comme à ce mur, à cette mer qui ne s’est jamais produite encore, à ce vent et à cette mouette qui sont séparés pour la première fois, à ce chien perdu.

Vous penserez que le miracle n’est pas dans l’apparente similitude entre chaque particule de ces milliards du déferlement continu, mais dans la différence irréductible qui les sépare, qui sépare les hommes des chiens, les chiens du cinéma, le sable de la mer, Dieu de ce chien ou de cette mouette tenace face au vent, du cristal liquide de vos yeux de celui blessant des sables, de la touffeur irrespirable du hall de cet hôtel passé de l’éblouissante clarté égale de la plage, de chaque mot de chaque phrase, de chaque ligne de chaque livre, de chaque jour et de chaque siècle et de chaque éternité passée ou à venir et de vous et de moi.

Durant votre passage, il vous faudra donc croire à votre inaliénable royauté.

Vous avancerez. Vous marcherez comme vous le faites quand vous êtes seul et que vous croyez que quelqu’un vous regarde, Dieu ou moi, ou ce chien le long de la mer, ou cette mouette tragique face au vent, si seule devant l’objet atlantique.

Je voulais vous dire : le cinéma croit pouvoir consigner ce que vous faites en ce moment. Mais vous, de là où vous serez, où que ce soit, que vous ayez partie liée avec le sable, ou le vent, ou la mer, ou le mur, ou l’oiseau, ou le chien, vous vous rendrez compte que le cinéma ne peut pas.

Passez outre. Laissez.
Avancez.
...

Untitled

Untitled

No more drama - Michael Roy

Un grupo terrorista desata el caos cuando libera un peligroso virus que pone en riesgo la vida de la población mundial. En un pueblo muere un psicopata multiasesino que practicaba magia negra, y viaja por las costas de Baja California en busca de sus antepasados y de las famosas pinturas rupestres en las montañas. Hará equipo para capturar a quienes han robado armas nucleares. De camino recoge a su sobrino, pero poco después atropellan a un hombre. Confiesa quién es realmente, seduce un hombre y le propose ser amantes. Se molesta y se siente culpable por lo que le sucedió. Dice que lo amenazó y le reprocha por no hablarle sinceramente. Podría hacer algo provechoso con su vida después de la dura lección que ha recibido y ayudar a personas en su situación. Decide de ir a un centro nocturno donde conoce a una mujer quien le acusará de haber asesinado a su esposo. Habían sido una pareja feliz que parecia destinada al matrimonio, pero las anticuadas presiones de unos padres forzarán al jóven a tomar una trágica decisión. Se entera de que su hijo está en el hospital y no le avisó. Se niega a aceptar una relación con él, pues él no es millonario. No está de acuerdo con que se involucre tanto en el escándalo. Dice que nadie le comprende y le confiesa que extraña a su madre. En su huída se refugia en un bar donde toma a cinco rehenes. Se disfraza de cura y toma posesión de la iglesia. Transforma el austero convento en un alegre coro de monjas musicales. La aparición de un reptil mutante, de enormes dimensiones, causará el pánico. La sociedad del futuro ha evolucionado hacia una busqueda obsesiva de la perfección. Requiere un transplante de corazón urgente, pero su seguro no cubre la operación. Su gris existencia cambia tras un reconocimiento médico. Consigue que un amigo doctor y jugador, le ayude a engañar a su familia diciendo que esta desahuciado. Se siente incomodo pues el fantasma…

vendredi 6 février 2009

Selected exhibition history

SOLO SHOW
2007

“Apocalypse on the horizon”, Galerie Alain Gutharc, Paris
2003
"We all feel better in the dark", Project room, Galerie Yvon Lambert, Paris
1996
"Just do it", c/o Rebecca Bournigault, Paris

GROUP SHOW
2008

“Galeria Sentimental”, Tensta Konsthall, Stockholm, Suède
FIAC, Galerie Alain Gutharc, Paris
“Playback”, Damas, Syrie
“Sous le soleil exactement...”, Galerie Alain Gutharc, Paris
“The mystery of the woods”, Château de Trousse-Barrière, avec Emmanuel Lagarrigue, Briare
Salon du dessin contemporain, Galerie Alain Gutharc, Paris
Art Brussels, Galerie Alain Gutharc, Paris
“Dark Fair”, Swiss Institute Contempory Art, New York
2007
“Playback”, commissariat : Anne Dressen, ARC / Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Paris
"Singulier / Pluriel", projection 3ème Biennale d'art contemporain, Saint-Gelven, France
Fiac, Galerie Alain Gutharc, Paris
Art Brussels, Galerie Alain Gutharc, Bruxelles
Exposition collective, Galerie Alain Gutharc, Paris
2006
"Labyrinth", Botkyrka Konsthall, Tumba, Sweden, commissaires : J. Sandell et P; Sandström
Art Brussels, Galerie Alain Gutharc, Bruxelles
"Royal wedding", Espace Console, Paris, commissaire : M. Collin Barrand
"Holiday for plywood", résidence et production, Los Angeles, commissaire : Eva Svennung
2005
"Le voyage intérieur (Paris-London)", Espace Electra, Paris, commissaires : A. Vaillant et A.Farguharson
"The fifteen minute show", , commissaire A. Vaillant, SMBA Stedelijk Museum Bureau, Amsterdam
2004
"Diego's 2004", Diego's c/o Galerie Air de Paris, Paris
"Cinema Capacete IV", Escola de Cinema Darcy Ribeiro, Rio de Janeiro, commissaire : H. Batista
Artbasel 35, Air de Paris, Bâle
"Remember Last Summer", Galerie Air de Paris, Paris
2003
"Night effect", Carlos Depot, Berlin, commissaire : Toasting Agency
“Lee 3 tau ceti central armory show", Villa Arson, Nice, commissaire : S. Magnin
2001
“Jolie attaque pour perdre”, Espace des Arts, Colomiers
“Fragile”, Le Pavé dans la mare, Besançon, commissaire : C. Lapp
2000
"16e lifting", c/o V. Voulleminot, Paris, commissaires : M. Roy et B. Dellsperger
1999
"Wok 4", programmation vidéos performances et installations, invité par Peyotl, Paris
"Zac 99", invité par le collectif GPS, ARC, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, Paris
"Tout à l'Ego", Rezo, Montpellier
"Semaine vidéo des jeunes artistes", Arteppes, Annecy
1998
"Young scene", Secession, Vienne, Autriche, commissaire : K. Rhomberg
"Autour du mondial", Galerie Enrico Navarra, Paris
"Annabelle", Paris, commissaire : P. Guislain
"Kick off", Musée Géo-Charles, Echirolles, commissaire : E. Chambon
Projection publique, Association « Images/Passages », Monaco
"Rencontre de jeunes artistes vidéo", Annecy
Projection, enba, Limoges, commissaire :M. Collin Barrand
"Bonne année", Galerie Air de Paris, Paris
1997
"Beau comme un camion", Europride, Paris, commissaires : M. Donnadieu, E. Lebovici, C. Bourgeois
1996
"Just do it", c/o Rebecca Bournigault, Paris
"Ex. position", c/o Rebecca Bournigault, Paris
1995
Show view, Marseille
1994
"Images / Présences", Dijon

PUBLIC COLLECTIONS
Fonds National d’Art Contemporain
- France

PRESS - RADIO-TV
Nuke
, n°6, printemps 2008
Numéro, février 2008, “Tiercé gagnant”, article d’Eric Troncy
Têtu, décembre 2007
paris-art.com, novembre 2007, “Michael Roy, Apocalypse on the horizon”, article de Lison Noël
Diaphora, émission RadioCampus, 2007, entretien réalisé avec R. Yadan
Frog, mai 2006, article de A. Costanzo
Les Inrockuptibles, supplément au n°520 ‘Le voyage intérieur’, nov. 2005
Diaphora, Emission Radio Campus, entretien avec et réalisé par R. Yadan, 2005
Technikart, février 2005
Which n°12, « Fan of...», C. Morisset, printemps 2004
RFI, interview radio, par M.Babakoff, juin 2000
Spectacle, interview TV par D.Angus, juin 1998
Art Press, « le terrain des sports », J.M Huitorel, juillet 1998
Paris Match, 18 juin 1998
Ex Aequo, juin 1998
Libération, E.Lebovici, 29 août 1996

CATALOGUES / PUBLICATIONS
“Labyrint / Labyrinth”, catalogue d’exposition, 2007
“Playback”, catalogue d’exposition, ARC / Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 2007
“Le voyage intérieur Paris London”, catalogue d’exposition, 2005
Edition du roman « La tension monte » par ToastinK, 2004
“Capacete 12”, publication de l’exposition Escola de Cinema Darcy Ribeiro, Rio de Janeiro, 2004
“Lee 3 Tau Ceti Central Armory Show”, Villa Arson, Nice
“Pacemaker 1, 2, 3, 4, 5, 9+10”, publication Toasting Agency, 2003, 2004, 2005
“Young scene”, catalogue d’expo, Vienne 1998
“Autour du mondial”, catalogue d’expo & CD rom, Paris 1998
“Annabelle”, catalogue d’expo, Paris 1998

Apocalypse on the horizon - Galerie Alain Gutharc 2007

jeudi 5 février 2009

The New York Times Magazine

Apocalypse on the horizon

En observateur assidu et avisé de ces fabriques contemporaines d’images, d’icônes et de culture populaire, Michael Roy y prélève la matière première pour des réalisations plastiques (video, dessin, peinture, poster, texte…) qui tour à tour, et seulement après être passée par le filtre de sa propre consommation/expérimentation, décodent, rejouent, pointent ou amplifient avec pertinence et subtilité esthétique les modèles et les structures même du désir, du fantasme ou encore des modes relationnels tels qu’ils sont façonnés par les médias pour le plus grand nombre. Présentation d'un ensemble embrassant et se superposant aux codes du cinéma, de la télévision et de la littérature.
Les réalisations et dispositifs conçus par l’artiste constituent autant de recherches à la fois critiques et poétiques sur les effets de la réverbération de l’image. Les pièces de Michael Roy apparaissent avec leur coup de ciseaux et la provenance de leur source. Ré-Encrées, ces images prennent formes et dessinent quelque chose. Le vide est saisi et se matérialise dans ces plans fantômes...