samedi 7 février 2009

M.D.L.H.A

Vous ne regarderez pas la caméra. Sauf lorsqu’on l’exigera de vous.

Vous oublierez.
Vous oublierez.

Que c’est vous, vous l’oublierez.
Je crois qu’il est possible d’y arriver.
Vous oublierez aussi que c’est la caméra. Mais surtout vous oublierez que c’est vous. Vous.

Oui, je crois qu’il est possible d’y arriver, par exemple à partir d’autres approches, de celle en autres de la mort, de votre mort perdue dans une mort régnante et sans nom.

Vous regarderez ce que vous voyez. Mais vous le regarderez absolument. Vous essaierez de regarder jusqu’à l’extinction de votre regard, jusqu’à son propre aveuglement et à travers celui-ci vous devrez essayer encore de regarder. Jusqu’à la fin.

Vous me demandez : Regarder quoi ?
Je dis, eh bien, je dis la mer, oui, ce mot, devant vous, ces murs devant la mer, ces disparitions successives, ce chien, ce littoral, cet oiseau sous le vent atlantique.

Ecoutez. Je crois aussi que si vous ne regardiez pas ce qui se présente à vous, cela se verrait à l’écran. Et que l’écran se viderait.

Ce que vous serez en train de voir là, la mer, les vitres, le mur, la mer derrière les vitres, les vitres dans les murs, vous ne l’aurez jamais vu, jamais regardé.

Vous penserez que ceci qui va se passer n’est pas une répétition, que ceci est inaugural comme l’est d’elle-même votre propre vie à chaque seconde de son déroulement. Que dans le déferlement milliardaire des hommes autour de vous, vous êtes le seul à tenir lieu de vous-même auprès de moi dans ce moment-là du film qui se fait.

Vous penserez que c’est moi qui vous ai choisi. Moi. Vous. Vous qui êtes à chaque instant le tout de vous-même auprès de moi, cela, quoi que vous fassiez, si loin ou si près que vous soyez de mon espérance.

Vous penserez à vous, mais comme à ce mur, à cette mer qui ne s’est jamais produite encore, à ce vent et à cette mouette qui sont séparés pour la première fois, à ce chien perdu.

Vous penserez que le miracle n’est pas dans l’apparente similitude entre chaque particule de ces milliards du déferlement continu, mais dans la différence irréductible qui les sépare, qui sépare les hommes des chiens, les chiens du cinéma, le sable de la mer, Dieu de ce chien ou de cette mouette tenace face au vent, du cristal liquide de vos yeux de celui blessant des sables, de la touffeur irrespirable du hall de cet hôtel passé de l’éblouissante clarté égale de la plage, de chaque mot de chaque phrase, de chaque ligne de chaque livre, de chaque jour et de chaque siècle et de chaque éternité passée ou à venir et de vous et de moi.

Durant votre passage, il vous faudra donc croire à votre inaliénable royauté.

Vous avancerez. Vous marcherez comme vous le faites quand vous êtes seul et que vous croyez que quelqu’un vous regarde, Dieu ou moi, ou ce chien le long de la mer, ou cette mouette tragique face au vent, si seule devant l’objet atlantique.

Je voulais vous dire : le cinéma croit pouvoir consigner ce que vous faites en ce moment. Mais vous, de là où vous serez, où que ce soit, que vous ayez partie liée avec le sable, ou le vent, ou la mer, ou le mur, ou l’oiseau, ou le chien, vous vous rendrez compte que le cinéma ne peut pas.

Passez outre. Laissez.
Avancez.
...

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